Après un début d’année difficile, et malgré des taux d’intérêt réels qui restent au plancher, l’or n’a toujours pas retrouvé le chemin de la hausse. Pourtant, il y a des raisons d’être optimiste, juge notre chroniqueur Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI AM.

2020 avait été l’année de tous les records pour l’once d’or fin, avec un prix qui avait dépassé en août les 2.000 dollars, dans le sillage des inquiétudes générées par la pandémie qui a frappé le monde. Mais depuis, les investisseurs semblent avoir un peu délaissé le métal jaune, qui affiche une baisse de plus de 7% depuis le début de l’année… En cause principalement, le désintérêt des investisseurs financiers. Pourtant, les éléments qui d’ordinaire poussent les épargnants à s’intéresser à la relique barbare sont réunis. En tête, les taux d’intérêt réels. Pour rappel, l’or n’ayant pas de rendement, son intérêt va croissant avec la baisse des rendements des autres actifs. Aussi, lorsque les taux d’intérêts réels, c’est-à-dire la rémunération de l’argent corrigée de l’inflation, diminuent, habituellement les investisseurs augmentent leur allocation à l’or. Ça n’a pas été le cas ces dernières semaines, et malgré un nouveau plus bas touché sur les taux réels à 10 ans outre-Atlantique au mois d’août, le cours de l’or est resté atone.

Ce type de divergence passagère a déjà été observé par le passé. Il trouve aujourd’hui son origine dans l’incertitude des opérateurs quant à l’évolution à venir de la politique monétaire américaine. En clair : à l’heure où les gouverneurs de la Banque centrale américaine parlent d’un resserrement monétaire, les investisseurs attendent d’y voir clair sur leurs intentions avant de se repositionner à l’achat sur le métal jaune. De ce point de vue, si l’on considère les options qui s’offrent à la Banque Centrale américaine, la faiblesse actuelle des cours de l’or pourrait constituer une opportunité.

En effet, si Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed) devait confirmer une diminution des rachats d’actifs, cela pousserait sans doute les taux réels un peu à la hausse. Mais l’or n’ayant pas profité de la dernière correction des taux réels, il ne devrait pas pâtir de cette décision largement anticipée. À l’inverse, si l’incertitude économique et les craintes sur le marché de l’emploi américain devaient pousser la Fed à reporter son resserrement monétaire, l’or pourrait combler son retard et s’apprécier pour prendre en compte la récente correction des taux réels. Le profil rendement/risque de l’or paraît donc attractif.

À cela s’ajoutent nombre d’éléments rassurants sur le plan fondamental. D’abord, les Banques Centrales semblent avoir repris progressivement leurs programmes d’achats, suspendus l’an dernier après le début de la crise sanitaire. Elles ont ainsi acheté 330 tonnes d’or sur le premier semestre 2021, en ligne avec les quantités achetées en 2018 et 2019, deux années record d’achats pour ces établissements. C’est 39% de plus que la moyenne des 5 premiers semestres précédents. Il ressort en outre d’un sondage publié en juillet dernier par le World Gold Council que 21% des Banques Centrales interrogées (56 établissements au total) indiquent vouloir augmenter leurs détentions de métal jaune dans les 12 prochains mois. C’est là encore mieux qu’en 2018 et 2019.

De leur côté, les fonds de pension européens montrent également beaucoup d’intérêt pour l’or. Un sondage récemment, réalisé auprès de 150 fonds de pension européens représentant plus de 210 milliards d’euros d’actifs, montre que 75% d’entre eux souhaitent augmenter leur allocation à l’or dans les 12 prochains mois ! Enfin, le marché de la bijouterie se redresse même s’il reste encore en retard de 17% par rapport à la moyenne de ces 5 dernières années, et les détentions d’or dans les ETF sont repassées en territoire positif au deuxième trimestre de cette année. De nombreux voyants sont donc désormais au vert, et si la performance de l’or a pu paraître décevante depuis le début de l’année, l’or pourrait de nouveau briller dans les mois à venir…